Gainsbourg – Histoire de Melody Nelson

1971 – Phonogram (1 CD) – 7 titres – 28:11 min

  1. Melody
  2. Ballade de Melody Nelson
  3. Valse de Melody
  4. Ah ! Melody
  5. L’hôtel particulier
  6. En melody
  7. Cargo culte

Paroles et musiques : S. Gainsbourg; arrangements : J.C.Vannier.
Serge Gainsbourg (chant), Jane Birkin (chant).

Il y a des albums qu’il est difficile d’aborder de façon originale. « Cultes » ils le sont par l’influence qu’ils ont eue sur les artistes postérieurs, mais également par l’état d’esprit dans lequel ils ont été composés. « L’histoire de Melody Nelson » fait partie de ces albums, intouchables, vénérés, à juste titre. En 1971 Serge Gainsbourg vit avec Jane Birkin. Depuis peu il a fait l’achat d’une Rolls-Royce, concrétisant ainsi un de ses rêves, même s’il n’a pas son permis de conduire. L’achat de cette voiture et sa vie avec la jeune anglaise se mêlent dans sa tête et l’histoire de Melody Nelson peut débuter. Concept-album, le disque raconte l’histoire d’un homme qui au volant de sa Rolls renverse une jeune fille de quinze ans. Pas la peine de revenir sur l’attirance de Gainsbourg pour les Lolitas, le personnage de Melody est la réincarnation même du personnage de Nabokov. Jane Birkin campe le rôle, jusque sur la pochette où sa silhouette longiligne incarne parfaitement l’adolescence et la femme qui éclot. L’amour est inévitable entre le conducteur et la jeune fille, même s’il est tabou de par les années qui les séparent. A Paris Jane et Serge choquent de la même façon. Lui quarante ans et une réputation de pervers qui n’est plus à faire, elle la vingtaine mais déjà capable de sussurer le texte de « 69 année érotique », le couple est torride.

Mais plus encore que le récit de la relation (et sa fin, inévitable et tragique), la musique composée sur cet album va donner un coup de vieux à toute la musique française. Avec l’aide de Jean-Claude Vannier, qui s’occupe des arrangements et de la direction des cordes, Gainsbourg tire tous azimuts, osant à la fois les orchestrations symphoniques, les rythmiques funk, la poésie parlé (aujourd’hui on parlerait de spoken words ou même d’inspiration hip-hop), les choeurs, les samples provocants (« En Melody »), les guitares électriques et la pop anglaise. Moderne, le disque l’est toujours, la preuve Air, Beck et les Sonic Youth s’en sont inspiré. Vingt-huit minutes c’est court, mais c’était plus que suffisant pour Serge Gainsbourg pour redéfinir la pop pour de nombreuses années. C’est également un joyeux foutoir dont on n’est pas prêt de faire le tour et d’en avoir apprécié toute la saveur. A écouter et réécouter, on n’a toujours pas fait mieux depuis. (dimanche 25 juin 2006)

Il est bien difficile de choisir un album parmi l’impressionnante et originale discographie de Serge Gainsbourg. Toutefois, il est impossible de passer sous silence la fabuleuse « Histoire de Melody Nelson ». Sorti en 1971, l’album n’a pas fait un gros succès alors qu’il s’intégrait pleinement au contexte musical de l’époque, peut-être était-il trop en avance même ! Quoiqu’il en soit, la qualité des compositions fait que ce « Histoire de Melody Nelson » sonne parfaitement et n’a pas pris une ride. Comme à son habitude, Serge Gainsbourg joue sur la sonorité et le sens des mots en une espèce de prose décalée, rendue envoutante grâce à sa voix (encore épargnée !).

Musicalement, « Histoire de Melody Nelson » est une petite perle de rock psychédélique, tout en nuance et en intelligence. Les arrangements sont magnifiques, les mélodies très prenantes, et l’utilisation des cordes est excellente. « La ballade de Melody Nelson » est chantée en duo avec Jane Birkin mais c’est le titre « Melody » qui constitue à lui-seul un monument incontournable du rock français. Cet album reflète bien l’étendue du talent de Serge Gainsbourg qui atteint ici des sommets vertigineux… un véritable road-trip musical à (re)découvrir d’urgence !

Renaud – Rouge Sang

2006 – Virgin (2 CD) – 24 titres – 77:00 min
CD 1: – 1/ Les Bobos – 2/ Dans la Jungle – 3/ Arrêter la clope – 4/ RS&RS – 5/ Ma blonde – 6/ Rouge Sang – 7/ Elle est facho – 8/ Les cinq sens – 9/ J’ai retrouvé mon flingue ! – 10/ Nos vieux – 11/ Fille de Joie – 12/ Danser à Rome – CD2: – 1/ Pas de dimanches – 2/ Adieu l’enfance – 3/ Jusqu’à la fin du monde – 4/ Sentimental mon cul! – 5/ Elsa – 6/ Rien à te mettre – 7/ A la téloche – 8/ A la close – 9/ Leonard’s song – 10/ Malone – 11/ En la selva – 12/ Je m’appelle Galilée

Après « Boucan d’enfer », l’album qui signait le retour de Renaud sur la scène musicale, beaucoup attendaient de voir de quelle manière le parisien rebelle évoluerait. Excusant l’album précédent, qui témoignait d’une vie personnelle difficile, nombreux étaient les fans impatients de retrouver un Renaud en pleine forme au prochain opus. Le chanteur n’était donc peut être pas mort ? Avec lui, les idéaux qu’il portait allaient peut être survivre aussi ? Arrive ainsi « Rouge Sang »…

« Rouge Sang », c’est un double album de 24 chansons, dont le titre et le packaging laissent présager du meilleur. Considéré parfois comme un des initiateurs du rap, Renaud était un chanteur de la rue, un pamphlétaire redoutable, dont certains titres, en leur temps, avaient été interdits d’antenne. Renaud, c’était celui qui n’aimait pas « le travail, la justice et l’armée », et qui voyait mai 68 comme une révolution manquée. Renaud, regardait les français droit dans les yeux, pour leur dire qu’ils étaient « gouvernés par des cons » (chanson « Hexagone »), et s’adressait même directement au chef de l’état : « monsieur le président je vous fais une bafouille, que vous lirez sûrement si vous avez des couilles » (titre « Déserteur »). Renaud écrivait sur tout, dans un contexte urbain et politique tellement chargé à l’époque, que la source était intarissable. Prolixe, intelligent, acerbe, drôle et poétique, Renaud avait le verbe, le talent littéraire, et le ton qu’il fallait. Parfois, il se calmait pour laisser place à de la poésie (« Mistral gagnant », « Morgane de toi ») mais toujours avec une pointe de modération et d’intelligence.

Dans « Rouge Sang », la lame s’est pourtant ébréchée.

Quelques titres renouent avec un passé utopiste/rêveur/révolutionnaire, mais fondamentalement, la nervosité qui a fait le succès de l’artiste n’est plus vraiment au rendez vous. Renaud s’est fait excuser, parce que c’est Renaud ; encensé par la presse comme un monstre de la chanson, pour des titres médiocres et très conformistes, l’artiste a été bardé de prix en tous genres. Une récompense pour s’être rangé ? Pour avoir abdiqué ? Il laisse en tout cas au vrai fan, l’impression d’un vieux chevalier qui s’agenouille et offre son cou à la dague ennemie…

Lui qui, autrefois, fuyait les médias, et disait « je suis pas chanteur pour mes copains, et je peux être teigneux comme un chien », semble aujourd’hui céder à la pression du confort. Sur le double album de 24 titres, dix, et c’est beaucoup trop, ne font qu’évoquer son bonheur complet, total, et limite pathétique d’homme amoureux. Dix chansons sur Romane Serda, sa nouvelle compagne. Des titres gluants, voire niais, qui rappellent les albums de Martine : Romane à la maison, Romane à la campagne, Romane en Italie, l’anatomie de Romane, La couleur des cheveux de Romane…

S’insurgeant autrefois contre l’armée, l’église, l’injustice, la « mort des enfants du Sahel », Renaud s’insurge aujourd’hui contre les blagues sur les blondes, parce que Romane est blonde, contre la cigarette, parce qu’il veut vivre longtemps avec Romane, contre la fuite du temps, mais c’est pas grave parce que Romane est là pour le consoler…

L’album transpire Romane, et le peu de place qu’il reste aux quatorze autres titres, offre des morceaux médiocres, bien loin de ce qu’il y avait de plus caustique chez Renaud au moment de son apogée. Il est difficile de croire, pourtant, que tout va mieux sur notre planète, et les sources d’inspirations pourraient même avoir doublé de volume… Une chanson pour la libération d’Ingrid Bétancourt, (deux titres, un en Français et un en espagnol), viendra expliquer l’inutilité des idéologies des Farcs, une autre parlera des « Bobos », chanson pour laquelle Renaud se sera justifié / excusé plusieurs fois par la suite. Des sujets comme la mélancolie qu’évoquent les personnes âgées aujourd’hui feront verser une petite larme à la ménagère, mais guère plus. Rien de bien transcendant. Le chanteur explique pourtant qu’il a « retrouvé son flingue » et « qu’il était dans ses rimes », seulement il est difficile de lui donner raison. Dans « Elle est facho » peut être, subsiste-t-il un peu de ce qu’était essentiellement cet artiste controversé : un humaniste, qui ne fait pas de compromis avec les cons.

Le titre donc injustifié de l’album « Rouge Sang » s’explique finalement en écoutant la chanson éponyme : une chanson sur la corrida (Cabrel l’avait déjà fait) qui fait toutefois de légers parallèles politiques avec le rouge sang de certaines guerres.

Musicalement, les arrangements sont parfois bons, parfois quelconques. Le guitare/voix de Renaud reste efficace, sur certains morceaux, mais d’autres comme « Ma blonde » ou « Filles de joie » font carrément penser à des génériques de sitcoms. Peut être par conformisme, peut être par peur de perdre ce qu’il a si durement récupéré (l’amour, la sécurité l’argent ?) Renaud s’est calmé, et semble avoir apposé sur chacun des sujets qu’il traite l’étiquette suivante : « critiquer avec modération ». Tout n’est pas à jeter dans ce double album, qui est un bel ouvrage de variété française, mais cela décevra probablement beaucoup le puriste. Reste que Renaud est Renaud, et que cette flamme endormie pourrait encore renaître. Il est possible de donner encore le bénéfice du doute : « Boucan d’enfer », album dans lequel l’artiste remonte à la surface. « Rouge sang », album dans lequel l’artiste se stabilise… Peut être le temps de la colère viendra-t-il dans un troisième temps, l’espérance, le retour de l’époque où naissait la petite flamme de la révolte dans le cœur de ceux qui écoutaient ses chansons…

Renaud – Boucan d’enfer

2002 – Virgin france, B0000664KM (1 CD) – 14 titres – 52:00 min

  1. Docteur Renaud, Mister Renard
  2. Petit Pédé
  3. Je vis caché
  4. Coeur Perdu
  5. Manhattan Kaboul
  6. Elle a vu le loup
  7. Tout arrêter
  8. Baltique
  9. L’entarté
  10. Boucan d’enfer
  11. Mon nain de jardin
  12. Mal barrés
  13. Corsic’ Armes
  14. Mon bistrot préféré

Enregistré et mixé aux XXème et XXIème siècles (hiver 2000-2001 puis hiver 2001-2002) aux studios ICP à Bruxelles ; prise de son et mixage : Phil Delire ; mastering : Studios Abbey Road (Londres) par Nick Webb ; Assistants réalisation : Phil Delire et Jean François Berger ; Arrangements et réalisations : Jean-Pierre Bucolo.

Renaud (chant, choeurs), Jean-Pierre « Titi » Bucolo (guitares, choeurs), Dominique Grimaldi (basse), Claude Salmieri (batterie), Alain Lanty (piano, choeurs), Jean François « Tintin » Berger (claviers, écriture et direction des cordes et cuivres), Denis Benarrosh (percussions), Gwenaël Micault (accordéon, bandonéon), Pierre Fiddle (violon Fiddle), Mick Larie (mandoline), Els Lagasse (choeurs), Ann de Larminat (choeurs), Axel Red (chant sur « Manhattan Kaboul »), Titouan Lamazou (illustrations et photos)

Voici donc le nouvel album de Renaud ! On avait déjà pu entendre quelques unes de ces nouvelles chansons en concert lors de sa dernière tournée (notamment « Elle a vu le loup »). Et là on tient enfin la galette tant attendue et …. ça ne le fait plus du tout !! Il est bien loin le temps du Renaud vindicatif qui critiquait son beauf et sa banlieue pleine de loubards, toujours prêt à en découdre à coups de chaînes. Il s’est bien calmé (ce qui n’est pas un crime en soi), mais tombe en plus dans la récupération de l’actualité. Il enchaine alors les chansons consensuelles (« Petit Pédé », « Manhattan Kaboul ») et les fausses provocations (« Docteur Renaud, Mister Renard »). Alors oui bien sur il écrit toujours aussi bien, mêlant langage familier et poésie, oui ses mélodies sont toujours aussi accrochantes, mais non cet album est trop mièvre pour moi. De plus la voix de Renaud a bien changé, usée sans doute par l’alcool et la cigarette, et ce changement n’aide pas non plus à rentrer dans l’album. J’ai parfois l’impression de l’entendre bêler …

Mais reprenons dans l’ordre de l’album :
– « Docteur Renaud, Mister Renard » : Renaud joue sur son ambivalence « méchant qui fait peur aux bourgeois » / « mec bien ». Un titre que je trouve limite auto-glorificateur. Je veux bien que Renaud ait vécu des moments difficiles dernièrement dans son couple, mais ses chansons ne l’aideront pas, et pourtant il en parle de son histoire (voir aussi « Boucan d’enfer » et « Coeur Perdu »).
– « Petit Pédé » : une chanson sur la tolérance, avec un sujet (l’homosexualité) sur lequel beaucoup a été dit, et qui n’apporte pas grand chose.
– « Manhattant Kaboul » : un duo avec Axelle Red, absolument atroce. Le thème est bien evidemment la guerre contre le terrorisme en Afghanistan, et la chanson montre bien les dégâts qu’elle occasionne des deux côtés, et l’inutilité de la violence. Alors oui dénoncer la violence et la haine, c’est bien, mais pas dans une chanson dégoulinante de bons sentiments, où même Axelle Red ne sait pas comment placer sa voix. Et puis comment critiquer le terrorisme dans un titre quand on soutient les Corses et leurs explosifs deux chansons plus loin ?
– « Elle a vu le loup » : aucun intérêt, mièvre à souhait, une vraie berceuse.
– « Corsic’ Armes » : l’histoire d’un Corse, abattu dans le maquis. Je ne comprends plus le message de Renaud sur la violence et la différence qu’il y a pour lui entre jouer au « Robin des Bois » et le terrorisme.

Bon je suis de mauvaise foi, je ne parle que des morceaux que je n’aime pas ! Les autres sont sympathiques mais ne présentent rien de transcendant non plus. On peut noter une chanson qui se veut cinglante sur Bernard Henri Levy (« L’entarté ») et une sur le chien de Miterrand (« Baltique »). Donc Renaud n’a rien renié de ses opinions politiques au moins !

Voilà c’est mon opinion et elle n’engage que moi, mais j’attend vos réactions :)

Les dernières nouvelles discographiques de Renaud remontaient à 1996 ; et encore, il ne s’agissait que d’un album hommage : « Renaud chante Brassens ». Il faut donc remonter à 1994 pour retrouver Renaud l’auteur avec « A la belle de mai ». Le retour de l’artiste était donc très attendu. On le savait mal en point, dépendant de l’alcool et dépressif depuis sa séparation et la mort de son ami Coluche. C’est donc avec émotion et indulgence que son public l’a retrouvé sur scène en 1999 et en 2000. Voix abîmée, visage défait… c’est tout de même avec chaleur qu’il a été accueilli. Le nouvel album « Boucan d’enfer » a lui aussi été accueilli comme un retour à la vie. Le public semble aimer le concept de l’artiste « humain », celui qui réapparaît après avoir touché le fond et qui ose en parler. Il y a peut-être un certain voyeurisme là-dedans et sans doute certaines personnes ont-elles acheté le disque pour « savoir ce qu’un homme aussi mal barré allait être capable de sortir » ! Mais il y a surtout ceux qui ont acheté l’album par sympathie, parce qu' »un mec sympa qui essaie de remonter la pente après avoir touché le fond mérite du soutien ». Et apparemment, de nombreux journalistes ont suivi le mouvement, à coup de critiques élogieuses et d’interviews qui donnent envie de pleurer.

Mais qu’en est-il de la valeur intrinsèque de l’album ? On a finalement du mal à faire la part des choses entre l’exploit personnel et ce que vaut vraiment le disque… dout doute parce que l’un est indissociable de l’autre et que « Boucan d’enfer » ressemble plus à un disque-thérapie qu’à une oeuvre sublime. Si on sort les chansons évoquant l’alcool et la rupture, bref cette période noire pour Renaud-l’homme, il ne reste que quelques titres qui donnent l’impression de retrouver Renaud-l’artiste. Et dans ces quelques titres, on trouve pas mal de clichés : le jeune homo qui monte à Paris pour fuir les mauvais regards provinciaux (« Petit Pédé »), la petite fille afghane et l’immigré américain qui meurt tous deux de la violence et de la bêtise humaine (« Manhattan Kaboul »). Ajoutons à cela un titre en forme d’attaque personnelle féroce et finalement stérile contre Bernard-Henry Lévy et sa chère et tendre Arielle Dombasle (« L’entarté »)… sans grand intérêt tout ça ! Le tout nous est servi sur des compos taillées pour la bande FM, qui s’écoutent bien mais sans grande profondeur. Ce sont surtout les compos les plus acoustiques, les plus simples, au piano ou à la guitare, qui mettent vraiement en valeur les mots de Renaud.

L’auteur fait tout de même un vrai retour sur certains titres, avec quelques jolis vers. Personnellement, j’attribuerais une mention spéciale à « Baltique », « Mon nain de jardin » ou encore « Boucan d’enfer ». C’est très bien écrit, avec beaucoup d’esprit et de justesse. Alors, oui, il y a du bon sur cet album ; et oui, il y a aussi du nettement moins bon. « Boucan d’enfer » manque de régularité, d’unité et on peut facilement le compendre quand on sait dans quelles conditions Renaud a écrit ces textes. Maintenant que l’artiste est de retour, peut-être nous livrera-t-il bientôt un album d’un niveau au-dessus…

Renaud – Paris-Provinces aller-retour

1996 – Virgin france (2 CD) – 29 titres – 140:24 min

CD 1 : 1/ La ballade de Willy Brouillard (5:36) – 2/ Deuxième génération (4:40) – 3/ Doudou s’en fout (5:00) – 4/ En cloque (4:12) – 5/ L’aquarium (4:48) – 6/ Le sirop de la rue (4:26) – 7/ Le petit chat est mort (4:29) – 8/ La pêche à la ligne (3:32) – 9/ Adios Zapata ! (4:53) – 10/ C’est quand qu’on va où ? (4:33) – 11/ Le mauvais sujet repenti (Brassens) (2:47) – 12/ Son bleu (4:22) – 13/ Fatigué (5:54) – 14/ A la Belle de mai (5:08) – 15/ La médaille (2:44) – 16/ Dans mon HLM (7:44) – CD 2 : 1/ La chanson du loubard (4:45) – 2/ Dès que le vent soufflera (4:20) – 3/ La teigne (3:40) – 4/ Marche à l’ombre (3:45) – 5/ Déserteur (4:20) – 6/ Socialiste (3:30) – 7/ Morts les enfants (5:38) – 8/ Il pleut (3:30) – 9/ Je suis un voyou (Brassens) (3:10) – 10/ Marchand de cailloux (4:38) – 11/ Mon amoureux (5:12) – 12/ Le pot pourri (14:21) – 13/ Hexagone (6:40)

Enregistré à Paris (à la Mutualité), Bognols sur Ceze, Carcassonne et Lyon.

De novembre 1994 (avec la sortie de « La Belle de mai ») à fin 1995 (et la sortie de « Renaud chante Brassens »), Renaud ne s’est pas reposé un seule seconde. Il a tout d’abord supervisé la compilation de ses meilleurs titres pour les deux best-of « The meilleur of Renaud » et « The very meilleur of Renaud », puis la mise au point du coffret réunissant l’intégrale de ses vingt albums. Au milieu de toutes ces sorties d’albums, il trouve tout de même le temps de parcourir la France pour pas moins de 150 concerts, et d’enregistrer plusieurs de ces prestations qui voient le jour en 1996 sur ce double album live.

Sept ans après le live « Renaud Tour 89 – Visage pâle rencontrer public », Renaud a deux albums de plus à son actif (« Marchand de cailloux » sorti en 1991 et « A la Belle de mai » en 1994), ce qui lui permet d’étoffer encore un peu son répertoire (comme si c’était nécessaire !).

C’est donc tout naturel que son spectacle se focalise en premier lieu sur les titres de son dernier disque, et c’est donc quasiment tout « A la Belle de mai » qui est joué sur scène avec pas moins de neuf titres sur douze (« La ballade de Willy Brouillard », « A la belle de Mai », « C’est quand qu’on va où ? », « Le sirop de la rue », « Le petit chat est mort », « Adios Zapata ! », « Son bleu », « Mon amoureux » et « La médaille »). Par contre seulement deux titres de « Marchand de cailloux » ont droit de citer (« Marchand de cailloux » et « L’aquarium »), peut-être parce que Renaud s’est rendu compte que cet album était sans doute le plus faible de sa carrière.

Toujours est-il qu’au cours de ces deux heures vingt de concert on revisite largement la discographie du « chanteur énervant ». La première partie de l’album, enregistrée à la Mutualité à Paris, se focalise principalement sur les titres récents. L’interprétation est intimiste dans cette salle aux dimensions humaines, Renaud laisse le public chanter, et pour une fois sur un live de Renaud on entend véritablement tout le discours de l’artiste à la foule. Rien ne semble coupé, et l’on est vraiment plongé au milieu du concert. Le disque s’achève sur une superbe interprétation de « Dans mon HLM », un des grands classiques de Renaud, où tout le monde chante avec lui.

Le deuxième disque retrace quant à lui une partie des excursions de Renaud en province, et pour notre plus grand plaisir les incursions dans la discographie plus ancienne du chanteur se multiplient. On notera surtout le pot pourri de chansons acoustiques (Renaud seul avec sa guitare et le public comme choeurs) rarement jouées (ou en tout cas pas comme cela). Ainsi « Rita (chanson d’amour) », « Laisse béton », « Chanson pour Pierrot », « It is not because you are », « Les charognards », « Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ? », « P’tite conne » et le magnifique « Morgane de toi » retrouvent une seconde jeunesse dans les bras de ce public aux anges prêt à tout pour suivre Renaud.

Autre grand moment, l’interprétation de deux chansons de Brassens (« Le mauvais sujet repenti » et « Je suis un voyou »), qui apparaitront fin 1995 (donc après les enregistrements présentés ici) sur le disque hommage de Renaud envers son maître à penser et à chanter. Il est toujours agréable de découvrir de nouveaux titres en concert avant même leur parution sur album, tout spécialement quand il s’agit de reprises.

Enfin l’album se clôt comme le premier disque par un classique, « Hexagone » cette fois-ci, où Renaud et le public ne font plus qu’un sur cette mythique chanson, pour plus de sept minutes de bonheur.

Cet album représente sans doute un des grands moments de Renaud sur scène. Les titres interprétés sont bien mieux chantés que sur le disque « Renaud Tour 89 – Visage pâle rencontrer public », où Renaud semblait réellement avoir de gros problèmes de voix. De plus le contact avec le public est ici plus audible que jamais, et le choix de petites salles pour l’enregistrement renforce encore ce sentiment de proximité avec la scène. Renaud prouve une fois encore que ces dernières années il est meilleur sur scène que sur album !

Renaud – Renaud chante Brassens

1995 – Ceci-cela (virgin), 8407702 (1 CD) – 23 titres – 62:07 min

1/ Je suis un voyou (Georges Brassens) – 2/ La marine (Paul Fort) – 3/ Le gorille (Georges Brassens) – 4/ La chasse aux papillons (Georges Brassens) – 5/ Comme hier (Georges Brassens) – 6/ Les amoureux des bancs publics (Georges Brassens) – 7/ Brave Margot (Georges Brassens) – 8/ Hécatombe (Georges Brassens) – 9/ La mauvaise herbe (Georges Brassens) – 10/ Le mauvais sujet repenti (Paul Fort) – 11/ La légende de la nonne (Victor Hugo) – 12/ Auprès de mon arbre (Georges Brassens) – 13/ Gatsibelza (l’homme à la carabine) (Victor Hugo) – 14/ Les croquants (Georges Brassens) – 15/ Philistins (Jean Richepin) – 16/ Le vieux Léon (Georges Brassens) – 17/ Le père noël et la petite fille (Georges Brassens) – 18/ La femme d’Hector (Georges Brassens) – 19/ Le bistrot (Georges Brassens) – 20/ L’orage (Georges Brassens) – 21/ Jeanne (Georges Brassens) – 22/ La complainte des filles de joie (Georges Brassens) – 23/ Les illusions perdues (Georges Brassens)

Pour fêter ses vingt ans de chansons, Renaud sort en 1995 un coffret un forme de distributeur de bonbons, regroupant l’intégralité de ses oeuvres. En bonus, on a droit à un album de chansons introuvables, au live du Zénith 1986, et à « Renaud chante Brassens ». Cet album, hommage à son maitre à penser, rend bien l’amour et l’admiration que Renaud a toujours eu envers Georges Brassens. Déjà la pochette annonce la couleur, avec une parodie de l’enseigne de « La voix de son maitre ». Au lieu du chien, c’est ici un chat (qui symbolise Renaud, amateur de chats) qui écoute le phonographe, lui aussi symbolisé par l’éternel pipe de Brassens.

Renaud a rencontré deux fois Brassens, une fois dans un ascenseur, une autre fois sur un plateau de télévision où Georges Brassens avait affirmé à Renaud qu’il aimait bien ses chansons ! Que pouvait demander de plus le jeune artiste, intimidé devant la vedette dont il rêvait de suivre les traces ?

L’album regroupe les chansons les plus connues de Brassens, chantées par Renaud. Comme tout album de reprise hommage à un artiste, c’est surtout l’interprétation qui compte. Elle est ici évidemment empreinte de respect envers le texte. Certes l’inévitable accent de Renaud renouvelle quelque peu les titres, mais ils restent malgré tout très proches des originaux. On se rend très vite compte que les messages de Renaud et de Brassens sont en fait très proches, se mettant toujours du coté des faibles et des opprimés.

Cet album est donc intéressant autant pour le fan de Renaud que pour celui de Brassens, puisque les deux mondes sont en effet assez proches. Un disque peut-être pas indispensable, mais sympathique.

Renaud – A la belle de mai

1994 – Virgin (1 CD) – 12 titres – 48:45 min

  1. La ballade de Willy Brouillard (Renaud Séchan)
  2. A la belle de Mai (Renaud Séchan)
  3. C’est quand qu’on va où ? (Renaud Séchan / Julien Clerc)
  4. Le sirop de la rue (Renaud Séchan / Julien Clerc)
  5. Devant les lavabos (Renaud Séchan)
  6. Cheveu blanc (Renaud Séchan / Mourad Malki)
  7. Le petit chat est mort (Renaud Séchan, Jean Louis Roques)
  8. Adios Zapata ! (Renaud Séchan)
  9. Son bleu (Renaud Séchan)
  10. Mon amoureux (Renaud Séchan / François Ovide)
  11. Lolito lolita (Renaud Séchan)
  12. La médaille (Renaud Séchan)

Onzième album pour Renaud, qui semble bel et bien en perte de vitesse. On retrouve les thèmes traditionnels cher au chanteur. La banlieue tout d’abord avec « La ballade de Willy Brouillard » qui raconte la vie quotidienne d’un policier. Pour une fois avec Renaud on a une autre vision de cette banlieue, dont il a pourtant déjà beaucoup parlé. Mais quel besoin de faire une chanson mélancolique mais réaliste pour tout gâcher à la fin ? Renaud a certes choisi son camp politique, mais de la à se demander si « on peut mettre de la musique sur la vie d’un flic » il y a un pas de trop à mon avis.

Le morceau titre de l’album « A la belle de mai » est beaucoup plus drôle, puisqu’il réunit les commentaires de Marseillais sur la venue de Bernard Tapie dans leur ville, son ascension (via le foot) et sa chute (via les affaires politico-financières).

Sur cet album, Renaud tourne souvent autour du thème de l’enfance et de l’âge. Dans « C’est quand qu’on va où ? », il fait une de fois de plus passer son message sur la société en se mettant à la place de sa fille, comme il l’avait fait sur « Marchand de cailloux ». Sur « Le sirop de la rue », comme sur « Les dimanche à la con », Renaud se rappelle ici ses jeux d’enfants. Avec « Cheveu blanc », Renaud se moque gentiment de son âge. De même dans « Mon amoureux », il fait parler sa fille, qui pourrait bientôt être amenée à lui présenter son ami. Le portrait d’un gendre parfait selon Renaud ne surprend guère et l’on retrouve toutes ses idées sur la société incarnées dans ce jeune homme.

Enfin dans « Adios Zapata ! » il se met à la place d’un enfant sud-américain. D’ailleurs sur ce titre, Renaud est bien gentil mais des fois il sort des âneries plus grosses que lui. Oser affirmer que les paysans d’Amérique du Sud produisent de la drogue sciemment pour anéantir les pays capitalistes de l’hémisphère Nord, c’est quand même très fort. Et mettre ses propos dans la bouche d’un enfant est du plus mauvais goût. Comme le refrain « Pour eux la mort, pour nous la samba », que je trouve affreux. La drogue n’est pas une arme politique au service d’une idéologie ou d’une autre, mais un fléau.

Renaud semble s’en moquer, mais dans « Mon amoureux » quand il décrit sons gendre idéal, il spécifie bien qu’il ne doit être accro qu’à sa fille et rien d’autre. Renaud doit encore apprendre qu’on ne doit pas souhaiter aux autres ce que l’on ne voudrait pas pour soi.

Avec « Devant les lavabos », Renaud nous refait le même coup qu’avec « Dans ton sac ». L’éternelle interrogation des hommes, mais que peuvent donc faire les femmes quand on ne les voit pas ? Le message est le même, le chanteur visiblement en manque d’inspiration et la voix se fait de plus en plus trainarde.

A part « Willy Brouillard » et « A la belle de Mai », seules deux autres chansons se démarquent du lot finalement. Tout d’abord « Le petit chat est mort » et sa jolie mélodie sur la valeur de la liberté. Enfin « La médaille » qui conclue l’album par un fort message anti-militariste. France Inter avait été attaqué en justice par l’Association de Soutien à L’Armée Française (ASAF) pour avoir diffusé cette chanson, mais s’en est tiré avec un non-lieu (c’était en effet au Ministère des Armées à attaquer la radio s’il le souhaitait, et non pas à une association).

Cet album passe bien en fond sonore, mais à la fin, on réalise qu’on en a rien retenu. Les paroles font encore sourire quelquefois, mais Renaud a perdu toute sa hargne. La musique, elle aussi, n’a plus rien d’entraînante. Elle n’est bien sur pas mauvaise, plus acoustique qu’auparavant, mais ça ne casse pas des briques. Renaud lui-même l’a remarqué, il se fait vieux, et hélas cela s’entend.

Renaud – Marchand de Cailloux

1991 – Virgin, VI 07777 866422 2 (1 CD) – 14 titres – 52:49 min

1/ Marchand de cailloux (Renaud Séchan)
2/ L’aquarium (Renaud Séchan / Jean-Pierre Bucolo)
3/ P’tit voleur (Renaud Séchan / Jean Louis Rocques)
4/ Olé (Renaud Séchan /Jean Pierre Bucolo)
5/ Les dimanches à la con (Renaud Séchan)
6/ Dans ton sac (Renaud Séchan / Mourad Malki)
7/ Le tango des élus (Renaud Séchan)
8/ La ballade nord-irlandaise (Renaud Séchan / Traditionnel / Arr : Pete Briquette)
9/ 500 connards sur la ligne de départ (Renaud Séchan / Renaud Detressan)
10/ Tonton (Renaud Séchan / Jean Louis Roques)
11/ Je cruel (Renaud Séchan / Jean Louis Rocques)
12/ C’est pas du pipeau (Renaud Séchan / Renaud Detressan-Thomas Noton)
13/ Ma chanson leur a pas plu (suite) (Renaud Séchan)
14/ Tant qu’il y aura des ombres (Renaud Séchan)

Enregistré à Londres du 10 janvier au 15 mars « pendant leur sale guerre ».

Dès la première écoute, on se rend compte que Renaud a décidé d’innover avec cet album. En effet il laisse de côté les titres rapides et incisifs, pour des mélodies tendres et fortement inspirées des musiques celtiques traditionnalles. Et le résultat est plus que mitigé. Certaines chansons laissent en effet à désirer au niveau purement musical. « Olé », « 500 connards sur la ligne de départ », « Je cruel », « Dans ton sac » souffrent par exemple de mélodies banales, que l’on oublie sitôt après les avoir écoutées. Pour « C’est pas du pipeau », le résultat est même pire que ça étant donné que la musique me fait toujours penser à une publicité pour une chaine de supermarchés….

Malgré ces défauts, l’album est intéressant. Il commence par la chanson éponyme, « Marchand de cailloux ». Cette complainte se veut naïve, telle la vision de la petite Lolita, désolée de voir la misère autour d’elle, aux informations à la télévision, bref partout. Et dès ce premier titre, la nouvelle orientation musicale se fait sentir, avec cette chanson bercée par une flûte et un violon. Une véritable réussite.

Ce nouveau style est aussi très présent et très réussi dans « La ballade nord-irlandaise », un texte pour la paix en Irlande, basé sur un joli thème celtique traditionnel, comme il y en a beaucoup sur cet album.

Avec « L’aquarium », Renaud revient vers un texte plus classique, qui dénonce entre autres méfaits la guerre du Golfe et l’intoxication journalistique que l’on a subi pendant cette période, véritable manipulation de la pensée. De même dans « Ptit Voleur » il fait passer un message traditionnel désormais chez lui, et s’attaque au fait que l’on punisse les délits mais que l’on ne soigne pas le malaise et la détresse des gens. Toujours dans la catégorie chanson politique, « Tonton » est un bel exemple de texte ambigu, moitié hommage à François Mitterand (que Renaud continue à considérer comme un grand homme) / moitié critique d’une gauche qui l’a déçu (cf « L’aquarium » pour « ces gauchos dev’nus des patrons bien gros »).

Renaud est toujours capable d’écrire des chansons drôles, et il le prouve. « Les dimanches à la con » qui dépeint la nostalgie de l’enfant qui s’ennuyait le dimanche, est assez amusant. Mais les éclats de rire sont francs sur « Le tango des élus », un résumé en quelques secondes du discours anarchiste de Renaud, dégouté par les politiques de tout bord. De même la suite de « Ma chanson leur a pas plu », même si elle n’a plus l’orginalité du premier texte présent sur « Morgane de toi », reste un bon moment, avec notamment un hommage à Jean-Jacques Goldman qui m’a toujours beaucoup amusé : « Je l’ai r’trouvé dans l’frigo, en train d’ convaincre un esquimau qu’y faut aimer son bâton, qu’ la vie n’est qu’un long glaçon ». A côté de ces textes divertissants, Renaud perd quelquefois son bon goût. Par exemple sur « Dans ton sac », il se parodie lui-même avec un « tintintin » lâché au milieu de ce morceau pourtant calme.

Cet album est au final assez mitigé, avec des mélodies inégales suivant les chansons, et des textes somme toute assez traditionnels chez Renaud, même si l’on note une certaine nostalgie de son enfance et de sa jeunesse. Renaud a maintenant 40 ans, et son essai louable de changer de style n’est pas entièrement concluant ici. L’écoute de ce disque me laisse comme une impression de vide, il ne me reste pas de mélodie entraînante en tête, ni de citations saignantes, alors que les albums précédents étaient très efficaces à ce niveau.

Renaud – Visage pâle rencontrer public

Renaud › Renaud Tour 89 – Visage pâle rencontrer public 1989 – 1989 – Ceci-cela (virgin), 7866732 (2 CD) – 19 titres – 78:35 min

CD 1 : 1/ Cent ans (Renaud Séchan/P.J. Gidon) (3:09) – 2/ Fatigué (Renaud Séchan/Renaud Séchan, Frank Langolff) (5:37) – 3/ Miss Maggie (Renaud Séchan/Jean Pierre Bucolo) (4:46) – 4/ Petite (Renaud Séchan/Frank Langolff) (4:41) – 5/ Tu vas au bal ? (Renaud Séchan) (5:02) – 6/ Près des autos tamponneuses (Renaud Séchan/Frank Langolff) (6:22) – 7/ Morts les enfants (Renaud Séchan/Frank Langolff) (4:07) – 8/ La pêche à la ligne (Renaud Séchan/Jean Pierre Bucolo) (3:27) – 9/ Socialiste (Renaud Séchan) (4:15) – 10/ Mistral gagnant (Renaud Séchan) (3:13) – 11/ Dès que le vent soufflera (Renaud Séchan) (4:57) – CD 2 : 1/ Triviale poursuite (Renaud Séchan/Frank Langolff) (7:41) – 2/ Il pleut (Renaud Séchan) (2:41) – 3/ Putain de camion (Renaud Séchan/Frank Langolff) (4:35) – 4/ La mère à Titi (Renaud Séchan/Frank Langolff) (4:40) – 5/ Morgane de toi (Renaud Séchan/Frank Langolff) (6:50) – 6/ Manu (Renaud Séchan) (3:08) – 7/ Me jette pas (Renaud Séchan) (4:25) – 8/ Jonathan (Renaud Séchan/L. Bertin) (4:53)

Enregistré à Bourges pour le Printemps de Bourges (2 avril 1989).

Pour la sortie de « Putain de camion » en 1988, Renaud se lance dans une tournée marathon qui s’étale de mai 1988 à juillet 1989. Une telle entreprise méritait bien de figurer sur un album live du chanteur, mais curieusement pour une aussi longue tournée, seule une date a été choisie comme symbole. Il s’agit de la prestation de Renaud au Printemps de Bourges le 2 avril 1989. On y retrouve un Renaud en petite forme, dont la voix, plus rauque que d’habitude, trahit la fatigue accumulée pendant un an sur les routes de France.

Depuis le dernier album live de Renaud (« Un Olympia pour moi tout seul » en 1982), le joyeux troubadour a sorti pas moins de trois albums. C’est donc sur ces albums que la track-list se concentre, puisque tous les titres joués ce soir en sont issus, sauf « Manu » (tiré du « Retour de Gérard Lambert »).

Comme à son habitude, Renaud est très communicatif, prévient le public que le concert est enregistré, explique le contexte lié à certains textes (« Petite », « Putain de camion ») et joue avec ses choristes, les faisant pleinement participer au spectacle.

On retrouve toute la verve dérangeante de ce grand artiste, et le plaisir d’écouter ses diatribes contestataires pleines d’humour reste le même. Mais l’ambiance a bien changé par rapport aux précédents exercices en public. Renaud est devenu une véritable star, chantant dorénavant plus dans des stades que dans des MJC de quartier, et la prestation perd en convivialité ce qu’elle gagne en rodage et qualité de production.

Renaud reste Renaud, et à défaut d’avoir pu assister à un de ses concerts, on peut se consoler avec ce disque. Les titres sont tous très agréables, très représentatifs du style de Renaud au milieu des années 80. Malgré cela on sent comme une lassitude, une fatigue chez le chanteur qu’aucun repos ne viendra jamais soulager. La hargne de Renaud est belle et bien derrière lui, faisant place à une profonde mélancolie, parfaitement palpable ici. Ce live est donc totalement différent de celui enregistré à Bobino en 1980 par exemple, Renaud a bien changé, et c’est une autre partie de sa carrière qui est retranscrite sur cet album.

Renaud – Putain de Camion

1988 – Virgin, 258970 (1 CD) – 12 titres – 51:33 min

  1. Jonathan (Renaud Séchan)
  2. Il pleut (Renaud Séchan)
  3. La mère à Titi (Renaud Séchan)
  4. Triviale poursuite (Renaud Séchan)
  5. Me Jette pas (Renaud Séchan)
  6. Rouge gorge (Renaud Séchan)
  7. Allongés sous les vagues (Renaud Séchan)
  8. Cent ans (Renaud Séchan)
  9. Socialiste (Renaud Séchan)
  10. Petite (Renaud Séchan)
  11. Chanson dégueulasse (Renaud Séchan)
  12. Putain de camion (Renaud Séchan)

« Jonathan » entame l’album, avec l’histoire d’un guitariste dans le ghetto de Soweto, dont Renaud se rapproche en comparant leurs combats respectifs. Cette préoccupation reflète le voyage qu’il a fait l’année d’avant en Afrique du Sud et la promotion réalisée en France depuis son retour autour de Johnny Clegg. Renaud mondialise de plus en plus sa lutte, soit parce que la détresse des autres pays le fait réagir, soit tout simplement pour renouveller un peu ses thèmes. Toujours est-il qu’il parle ici (et aussi sur « Triviale Poursuite ») de la misère et de l’oppression, qu’elle soit africaine, palestinienne, kanak ou autre.

Retour à un thème plus joyeux avec « La mère à Titi », surement le morceau le plus connu de l’album. Une mélodie qui accroche, une sympathique description d’un apprenti-chanteur qui vit encore chez sa mère.

Avec « Rouge gorge », Renaud revient à une musique dans le style de ses premiers morceaux (« Amoureux de Paname » ou « Ecoutez moi les gavroches »), pour parler à nouveau de Paris, qui a bien changé depuis les débuts de Renaud. Gavroche ne reconnait plus sa ville natale.

De même, dans « Allongés sous les vagues », Renaud revient à ses vieux jeux de mots (« pas que beau, paquebot ») et détruit les vacances typiques club-med (comme il l’avait fait dans « Le retour de la Pépette »). Mais ce n’est qu’un prétexte pour écrire une chanson, se mettre à la place du chanteur / compositeur et dire tout ce qu’il pense du music-business. A ce titre le dialogue entre le chanteur et son producteur par dessus le solo final est hilarant.

Sur « Socialiste » (chanson poétique et révolutionnaire dixit l’artiste), tout y passe, de la critique des partis politiques français à celle des hommes soit-disant de gauche (Bernard Tapie, Guy Bedos). Même les dentistes en prennent gentiment pour leur grade : « Et détestait les dentistes / Ah bon ? / Ouais ouais / Pourquoi ? / Ca fait mal. ». Un morceau réussi, autant au niveau de l’humour que de la mélodie, simple et fraiche, comme l’amour de Renaud pour les manifs protestataires.

Sur l’air de « What The World Needs Now Is Love » de Burt Bacharach, Hal David et Jackie De Shannon, Renaud réaffirme dans « Petite » que son combat est éternel, et qu’il appartient à la jeunesse de le continuer, en France et ailleurs.

Le 19 juin 1986, Coluche meurt dans un accident de moto face à un camion. Parrain de Lolita et grand ami de Renaud, sa mort fait beaucoup de mal au chanteur, qui lui dédie ici le dernier morceau, « Putain de camion ».

« Putain de camion » est un album en demi-teintes pour Renaud, premier d’une série où c’est avant tout la mélancolie et non plus la hargne qui est mise en avant.

La mort de Coluche est peut-etre en partie responsable de ce changement chez le compositeur, qui en a assez de voir partir les meilleurs, alors que les problèmes et les corrompus demeurent.

Malgré cette mélancolie, l’humour redevient très présent dans les textes, alors que l’album précédent (« Mistral gagnant » paru en 1985) s’était éloigné de ce style. Mais les albums suivants ne verront quasiment plus pointer cet humour tendre mais dévastateur.

Renaud – Mistral gagnant

1985 – Virgin, 07777 866432 (1 CD) – 11 titres – 41:30 min

  1. Miss Maggie (Renaud Séchan, Jean Pierre Bucolo)
  2. La pêche à la ligne (Renaud Séchan, Jean Pierre Bucolo)
  3. Si t’es mon pote (Renaud Séchan, Jean Pierre Bucolo)
  4. Mistral gagnant (Renaud Séchan)
  5. Trois matelots (Renaud Séchan)
  6. Tu vas au bal ? (Renaud Séchan)
  7. Morts les enfants (Renaud Séchan, Frank Langolff)
  8. Baby sitting blues (Renaud Séchan)
  9. P’tite conne (Renaud Séchan)
  10. Le retour de la pepette (Renaud Séchan)
  11. Fatigué (Renaud Séchan, Frank Langolff)

Huitième album et premier pour Virgin. Comme d’habitude avec Renaud, on trouve sur cet album un mélange de chansons inspirées par sa vie quotidienne, sa femme et sa fille, et de titres beaucoup plus politiques, tirés de l’actualité.

Dans la première catégorie, on trouve notamment « La Pêche à la ligne », qui présente l’amour et son aspect naïf. De son côté « Mistral gagnant » remporte la palme du slow qui tue. Cette chanson demeure un des plus grands succès de Renaud.

Renaud s’amuse toujours autant sur ses albums. Pour preuve « Trois matelots » arrive à concilier l’amour de Renaud pour la mer, et sa haine des beaufs et de l’armée. « Tu va au bal ? » est un véritable délire auditif, qu’il faut écouter attentivement ! « Baby sitting blues » narre la galère d’une étudiante qui garde la petite Lolita, boulot qui n’a visiblement rien d’évident, puisque la petite « n’aime que son père ».

Dans « Le retour de la pépette », l’héroïne de « Près des autos-tamponneuses » est ici en vacances dans un club au bord de la mer. C’est l’occasion pour Renaud de se défouler sur le français moyen pendant ses grandes vacances. Tous les clichés y passent, de la boite de nuit au dragueur indélicat, le tout au travers de couplets « intéressant » ou « pathétique » comme prévient lui-même Renaud.

Mais Renaud continue à faire de la politique. Dans « Miss Maggie », il retranscrit son dégout des hommes et de tout ce qui les rend fous (la guerre, le sport, les voitures, etc …), en déclamant son amour pour les femmes. Il en profite tout de même pour faire passer un message politique et égratigner Margaret Tatcher. Cette chanson, écrite après le drame du Heysel, a provoqué une véritable polémique en Angleterre. La chanson est passé sur toutes les chaines de télévision anglaises avec la traduction en sous-titre.

« Morts les enfants » parle entre autre de l’accident de Bopal, où une usine a contaminé un territoire immense en explosant. Résultat : des centaines de morts, des milliers de blessés.

Les enfants innocents sont les premières victimes de la pauvreté, de la guerre, de la bêtise humaine, et Renaud ne pouvait faire autrement que de s’en insurger, après avoir écrit deux ans plus tôt une chanson pour l’Ethiopie. Ce titre est certainement le plus triste et le plus découragé de l’album, découragement que l’on retrouve sur « Fatigué ».

En effet dans « Fatigué », on sent bien que même Renaud en a parfois assez de s’époumonner contre le genre humain et tous ses travers. Il sait bien qu’il ne changera pas le monde avec ses chansons, que la planète est dirigée par des gens sans scrupules qui ne répondent qu’aux pressions financières. En 1985, Renaud a véritablement atteint le statut de star et de personne publique. Il s’implique dans de plus en plus de causes humanitaires, mais il n’est pas dupe quant à leurs résultats. Le public oublie vite ce pour quoi il s’est ému un mois plus tôt. Malgré tout, le « chanteur énervant » continue son petit bonhomme de chemin, et à défaut de convaincre les gouvernements, il rassemble les foules à chacun de ses concerts. Pour la deuxième fois, Renaud fête la sortie de son album avec une série de concerts au Zénith. 180 000 personnes viennent le soutenir pendant un mois, record inégalé depuis pour cette salle.