Demain dès l'aube - Victor Hugo
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo - le 3 septembre 1847, Livre IV, Pièce XIV
Les Contemplations (1856)
"Demain, dès l'aube" est l'un des plus célèbres poèmes de Victor Hugo. L'auteur décrit son pélerinage annuel vers la tombe de sa fille Léopoldine décédée accidentellement 3 ans auparavant. Léopoldine était la fille de Victor Hugo et d'Adèle Foucher. Elle avait épousé Charles Vacquerie le 15 février 1843. Les jeunes mariés décèdent accidentellement le 4 septembre de la même année lors d'un voyage en barque sur la Seine : Leur barque chavire entre Caudebec-en-Caux et Villequier et les passagers se noient ; ils sont inhumés à Villequier. Léopoldine avait 19ans.
Placé à dessein avant "A Villequier" auquel il sert naturellement d'introduction, ce petit poème fut écrit trois ans après les strophes fameuses. Victor Hugo s'y représente en train d'accomplir son pélerinage annuel au tombeau de Léopoldine : il part le matin - sans doute du Havre où racute;sidaient les Vacquerie - pour arriver au crépuscule. Aucun souvenir littéraire en ces vers très simples et très larges : rien qu'une émotion et une vision personnelle.
Le poême a en réalité été écrit le 4 octobre 1847. La date a été volontairement modifiée au 3 septembre, afin qu'elle corresponde à la veille de l'anniversaire de l'accident de Léopoldine, (4 septembre 1843).
